Charles X: une restauration impossible ?
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Charles X: une restauration impossible ?
Charles X : une restauration impossible ?
En 1814, après la Charte octroyée par Louis XVIII les Ultraroyalistes s'opposent pouvoir trop faible du roi. Decazes est le meneur des constitutionnels en 1816 suite à la dissolution de la chambre et s'impose au gouvernement. Il mène une politique modérée: il veut « nationaliser le Roi et royaliser la nation. » selon ses propres mots. Il met ainsi en place une politique plus libérale comme le prouve la loi sur la liberté de la presse en1819 ou encore celle accordant un accès au vote plus facile pour les petits propriétaires.
Mais un événement imprévu vient bouleversé l'ordre que l'on essaye d'établir: le 13 février 1820 Louvel (un ouvrier) assassine le duc de Berry en pensant éteindre la lignée des Bourbons car le premier fils de Charles X ne peut avoir d'enfants.
Dès lors un grand changement s'opère: les Ultras accusent Decazes d'avoir mené une politique trop laxiste et libérale qui aurait conduit à ce meurtre. Decazes est renvoyé et les Ultras deviennent tout puissant en 1821 avec le gouvernement Villèle. Les années qui suivent, Louis XVIII est soufrant et c'est son frère Charles X qui dirige le pays avant son accession au trône en 1824.
Lui même ayant été émigré de 1789 à 1814 il connaît peu et mal la France de la révolution et de l'Empire ainsi que ses espérances. On comprend alors l'attachement de Charles X aux valeurs de l'ancien régime d'autant plus que la mort tragique de son fils renforce ces engagement.
Dès lors on pourrait se demander comment Charles X a adapté son régime aux concessions libérales accordées par son prédécesseur Louis XIII. Pour répondre à cela nous verrons dans une première partie la politique conservatrice de Charles X soutenue par les élites puis et dans une deuxième partie le triomphe des Ultras qui met finalement un terme au pouvoir de Charles X par l’excès de réaction.
I- Une restauration conservatrice soutenue par les élites :
A) Dans un premier temps Charles X touche peu aux mesures de consensus de son prédécesseur :
Bien que la Charte ne convienne pas à Charles X il va dans un premier temps s'en accommoder. De fait, il garde les grands principes maintenant ancrés dans les mentalités. L'architecture administrative (les préfets, le code civil, la banque de France...) est maintenue. On constate également qu'il n'y a pas de restauration officielle des privilèges malgré le retour des nobles émigrés et même qu'il y a maintient de l'ordre de la Légion d'honneur. Charles X concède même l'abolition de la censure par une ordonnance du 29 novembre 1824. La Chambre des députés est maintenue et jouera un rôle primordial tout au long de son règne, confirmant la naissance d'un espace public de débat. Il faut cependant relativiser: Charles X ne pouvait pas changer aussi brusquement de position sans compromettre son pouvoir. Aussi il maintient les grandes avancées mais s'oppose à toute nouvelle mesure à caractère libéral et en cela déroge aux principes de conciliation de Louis XVIII.
Les notables, favorable à une préservation de leur patrimoine vont alors soutenir vigoureusement le pouvoir en place. Ils prennent une part de plus en plus importante dans la société occupant avec les nobles et les ecclésiastiques le devant de la scène politique et les postes clefs.
B) Ce qui lui permet de relancer la culture d'ancien régime tout en ralliant une majorité :
L’Église devient un acteur primordial du pouvoir de Charles X et c'est dans ce processus de poursuite de la tradition monarchique qu'il se fait sacrer à Reims le 29 mai 1825.
Source : http://derniersbourbons.canalblog.com/archives/la_famille_de_charles_x/index.html
Corrélée à la tradition, on distingue une restauration religieuse. De fait, il y a bien une réaffirmation du poids des congrégations religieuses sous Charles X qui deviendra la base du pouvoir des ultras. Comme la congrégation de la Sainte Vierge et les Chevalier de la foi qui joueront tous deux un rôle clef en politique avec leurs membres actifs (comme François Régis de La Bourdonnaye par exemple).
On perçoit dans le même temps une restauration sociale progressive de l'ordre de l'ancien régime plus marquée que sous Louis XVIII. (Mœurs moins libérales, domination de l'église et des valeurs chrétiennes). La figure de Charles X, un roi très pieux, renforce ce retour aux normes d'ancien régime. Un renouveau monarchique s'établit qui anime un enthousiasme dans la haute société et contribue à soutenir le roi.
Le début du règne de Charles X est aussi l'époque d'un engouement littéraire : le romantisme met au goût sur jour le passé commun des français effacé par les idées universalistes de la Révolution. Chateaubriand est un de ces artistes.
Néanmoins, malgré les mesures plus conservatrices que réactionnaires de son début de règne Charles X va vouloir aller plus loin en affirmant ses opinions et en oubliant les principes de la France nouvelle de Louis XVIII qui avait permis un certain consensus ; il va ainsi fragiliser son pouvoir en perdant progressivement le soutient des notables.
II- Le triomphe des Ultras et les mesures réactionnaires de Charles X :
A) Les mesures des Ultras durcissent le régime et des dissensions commencent à apparaître :
Dès 1821 et jusqu'en 1828, Villèle, un ultraroyaliste très attaché à l'ancien régime et membre des chevaliers de la foi devient premier ministre.
Suite aux pressions du clergé, il promulgue le 20 avril 1825 la « Loi du Sacrilège ». Celle-ci impose des travaux forcés pour tout voleur dans les églises ainsi que la peine de mort pour toute profanation d'hostie consacrée. La religion prend alors officiellement une place très importante et les congrégations sillonnent la France pour rediffuser les valeurs chrétiennes.
L’église est un des piliers fondamentaux de l'ancien régime est s'affirme sous Charles X en se posant comme héritière de positions dominantes dans la vie politique ; c'est que l'on a appelé « l'alliance du trône et de l'autel ».
D'autre part, émigré pendant 25 ans de 1789 à 1814, Charles X veut rétablir le prestige des nobles.
Loi du milliard des émigrés promulguée le 28 avril 1825 indemnise en partie50 000 anciens propriétaires de biens devenus nationaux par des rentes qui représentent au total 630 millions de francs. Cependant cette somme n'est qu'indicative, le chiffrement des biens étant plus qu’approximatif dans certains des cas. On perçoit donc chez Charles X une volonté de favoriser les nobles. Charles X tente ainsi de faire oublier les humiliations qu'avait subie la noblesse durant la révolution et de s'attirer leur protection politique. Dans le même temps les modérés ou libéraux occupant des postes importants sont écartés et remplacés par des nobles ou des notables.
Charles X désire donc faire oublier le tournant trop libéral opéré par Louis XVIII sous Decazes.
Cependant, de nombreuses dissensions entre libéraux montants et ultraroyalistes révèlent une faille dans le pouvoir du roi. Chateaubriand réactive le courant libéral des ultraroyalistes après sa révocations du ministère des affaires étrangères en 1824, il cherche une voie plus moderne et moins réactionnaire. Dès 1826, l'opposition libérale s'affirme en rejetant la loi sur le droit d'aînesse ; en 1827 celle-ci exprime son désaccord sur la loi « de justice et d'amour » qui impose un musellement de la presse , elle est rejeté en 1827. On constate une division nette entre modérés qui désirent désormais un pouvoir plus en phase avec l'époque et les ultras qui eux désirent préserver l'ordre ancien et même aller plus loin dans la réaction.
Mais une fracture religieuse existe également, notamment sur la question de l'enseignement. De fait le Clergé possède une forte emprise sur l'enseignement mais des querelles entre religieux naissent, particulièrement entre les gallicans qui désirent une indépendance vis a vis du Pape et la création d'une Église Catholique de France et les ultramontanistes qui eux aspirent à une primauté spirituelle et juridictionnelle du Pape sur le roi. Ces désaccords persistants conduisent à une fragilisation du régime de Charles X. Or par la suite il va exacerber l'opposition libérale par une politique foncièrement réactionnaire.
B) Le coup de grâce du règne de Charles X: l'année 1830 et les ordonnances de Saint Cloud:
En 1828 Villèle démissionne suite à une nouvelle élection des députés très favorable aux libéraux. Le roi nomme à regret Martignac, un modéré qui prône la réconciliation. Il ne convient cependant ni aux Ultras qui le juge trop libéral, ni aux libéraux qui le juge trop conservateur. Il est renvoyé par Charles X en Août 1829. Le roi nomme alors un ministère Ultraroyaliste mené par Polignac. Sous la restauration l'importance des journaux dans la vie politique s'affirme. Le journal libéral Le Globe salue la nomination du ministère Polignac d'une formule lapidaire : « Son avènement sépare la France en deux : la Cour d'un côté, de l'autre la Nation. ». En effet avec Polignac, le comte de La Bourdonnaye et le général de Bourmont c'est un ministère très réactionnaire qui se forme. Leurs détracteurs qualifieront d'ailleurs ce ministère par l'expression « Coblentz, Waterloo, 1815 ».
En 1830 Le roi annonce l'expédition d'Alger en réponse au « coup d'éventail » donné par le Dey d'Alger en 1827. Cette invasion n'est en réalité qu'un moyen pour le roi de retrouver le soutient de la population française en menant une guerre. Mais cette annonce met fin à l'entente déjà fragile au sein de la Chambre le 18 mars 1830 avec « l'adresse des 221 » qui est un texte exprimant au roi la défiance de la majorité libérale de la Chambre (221 députés sur 402). Le roi ne compte cependant pas se soumettre à la Chambre et pousse loin la réaction : en vertu de l'article 50 de la Charte de 1814 il dissout la Chambre. Mais celle ci devient bien libérale à l’élection suivante et après la démission de Polignac le roi décide d'ajourner pour 6 mois la Chambre ce qui confirme l'instabilité qui règne alors dans le pays.
Charles X pousse alors la réaction jusqu'au bout en s'appuyant sur l'article 14 de la Charte de 1814 pour émettre le 25 juillet 1830 ce que l'on appellera les Ordonnances de Saint Cloud : Celles-ci consistent en quatre points : la suppression de la liberté de la presse et le rétablissement de la censure, la dissolution de la chambre nouvellement élue, la modification du régime électoral (on refuse de prendre en compte la patente que payent les industriels et les commerçants ce qui revient concrètement à priver la bourgeoisie du droit de vote) l'ajournement à septembre des nouvelles élections. A la fois à travers les dissolutions successives et ces ordonnances ultra réactionnaires que Charles X ne parvient plus à contrôler son pouvoir et que l'ultime tentative pour restaurer l'ancien régime échoue face à l'opposition libérale. Le ne le soutiennent plus, les ultras son minoritaires. Les révoltes éclatent le lendemain de la promulgation des ordonnances : les « 3 glorieuses » viennent mettre un terme au pouvoir réactionnaire qui ne semble plus en phase avec la France de 1830.
Conclusion:
Pour conclure on peut affirmer que Charles X n'a pas pris en compte des aspirations libérales héritées de la révolution et exacerbées par une société française en constante mutation.
Au delà de la restauration, Charles X avait la volonté de dépasser le consensus de Louis XVIII et de rétablir le modèle d'ancien régime.
Cependant, au delà de la première année ou le roi semble conciliant et fédérateur il va se heurter aux critiques politiques libérales. La presse joue un rôle important dans la vie politique de l'époque et la contestation du pouvoir est intense, ce qui pousse Charles X à prendre des mesures impopulaires de musellement de la presse. La religion elle, très présente sous Charles X est une base de son pouvoir, elle ira donc de pair avec les réformes qu'il mènera et en sera même parfois l'instigatrice. Dès lors il n'est pas étrange de constater dans le même temps un regain d'anticléricalisme chez les français.
L'expérience de Charles X a donc été un choc pour le peuple français et les intellectuels, il n'a pas réussi à rallier les 2 France : celle des privilégiés, des notables et celle plus populaire. On retient de lui une figure de chef du parti ultraroyaliste plus que de chef d’État. Suite à sa politique réactionnaire de 1830 Charles X abdique le 2 août de la même année et contraint le dauphin à faire de même en faveur du duc de Bordeaux, le petit fils de Charles X. S'en suit la mise en place d'une nouvelle monarchie, cette fois plus libérale, celle de Louis Philippe 1er.
Bibliographie :
Serge Berstein, Pierre Milza, Histoire du XIXème siècle, Hatier, 2001.
René Rémond, La vie politique en France depuis 1789, Paris, Colin, 1965.
David Colon, L'histoire du XIXème siècle en fiches, Ellipses, 2006.
Jacques-Olivier Boudon, Religion et culture en Europe au 19e siècle, Paris, Armand Colin, 2001.
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