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L'Allemagne et le pangermanisme (rédigé parce que je peux pas éditer)

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Message  CamilleS Ven 9 Déc - 9:54

L’Allemagne est, avec l’Italie ou l’Espagne, l’un des pays qui a le plus évolué au cours du XIXème siècle. Les différences entre la situation allemande en début et en fin de siècle sont énormes : en 1806, alors que Napoléon Ier étend sa domination sur l’Europe, l’Allemagne n’est encore constituée que de principautés qui n’ont rien en commun à part un système administratif comparable à celui d’un protectorat français, la Confédération du Rhin. La région n’a pas encore entamé sa révolution industrielle et la production est essentiellement agricole. A l’opposé, à la veille de la Première Guerre mondiale, l’Allemagne est devenu un véritable empire, elle s’étend de la France à l’Ouest à la Russie à l’Est et est l’une des premières, sinon la première puissance économique mondiale. Cette rupture avec la situation du début du siècle est en fait due à un mouvement philosophique, le pangermanisme, qui se développe et parvient à se concrétiser. Le pangermanisme a modelé l’Allemagne du XIXème siècle, d’une nation éparpillée et divisée à un empire puissant et menaçant. Il a tout d’abord fait émergé un Etat-nation allemand, puis a contribué à l’élever à une puissance tel qu’il puisse rivaliser avec les grandes puissances européennes.



Le pangermanisme est à l’origine d’une prise de conscience nationale allemande. Le peuple se reconnaît allemand au lieu de se définir par sa région : Bavière, Hesse, Schleswig…

Mais au début du siècle, les particularismes régionaux font encore de l’Allemagne une entité éparpillée. Le pangermanisme apparaît à cette époque comme un mouvement patriotique en réaction à la domination napoléonienne. En 1806, Napoléon Ier s’assure la soumission des principautés allemandes conquises. Le Ier Reich, le Saint Empire romain germanique, est dissous. L’empereur français crée la Confédération du Rhin pour en administrer l’Ouest plus facilement sur le modèle d’un protectorat, qu’il agrandit par ailleurs en 1812. C’est plus qu’il n’en faut pour former un semblant d’union entre les Etats allemands qui se fédèrent autour d’une fierté nationale étouffée, avec l’impulsion de la Prusse, dans la guerre libératrice de 1813. Les allemands triomphent de leur ennemi commun en octobre à Leipzig. A l’initiative de l’Autriche-Hongrie, suite au Congrès de Vienne, la Confédération Germanique est créée en 1815. Elle regroupe l’ensemble des Etats allemands mais les identités restent régionales. C’est le début de la volonté d’union du peuple allemand qui apparaît ; on la retrouve dans la pensée de grands artistes et philosophes, Hoffmann von Fallersleben par exemple l’exprime à travers le Lied der Deutschen, écrit en 1841 :

Deutschland, Deutschland über alles,
L'Allemagne, l'Allemagne avant tout,
Über alles in der Welt,
Avant tout au monde,
Wenn es stets zu Schutz und Trutze
Quand constamment pour sa protection et sa défense
Brüderlich zusammenhält
Fraternellement elle est unie
Von der Maas bis an die Memel
De la Meuse jusqu’au Niémen
Von der Etsch bis an den Belt
De l’Adige jusqu’au Grand Belt
Deutschland, Deutschland über alles
L’Allemagne, l’Allemagne avant tout
Über alles in der Welt
Avant tout au monde.

Le Lied der Deutschen est adopté comme hymne national en 1922, puis réduit au troisième couplet en 1991. Le premier couplet ci-dessus a de nos jours de fortes connotations néo-nazies, mais est dans le contexte de l’époque de sa rédaction un appel à l’unification du pays.

Les grandes théories du pangermanisme philosophique sont développées dans la première moitié du siècle et traduisent ces évènements. Le pangermanisme repose sur une base, la fierté allemande, malmenée par Napoléon Ier et une conclusion s’était imposée : l’Allemagne ne peut être grande et forte qu’unie. Le mouvement patriotique évolue vite vers un mouvement fermement nationaliste. Ces thèses reposent toutes sur le Volkstum, l’esprit de la « race » allemande. Le germaniste français Charles Andler les regroupait selon quatre catégories :
La prédestination métaphysique du peuple allemand : « Le devenir entier de l’histoire et du monde serait dénué de signification sans le triomphe du peuple allemand » (Charles Andler, Le pangermanisme philosophique). On la retrouve chez Fichte dans son Discours à la nation allemande de 1807, chez Hegel, Goerres ou Schlegel.
Le déterminisme scientifique : « Les grands rêveurs pangermanistes étalent sur la carte d’Europe leurs ambitions sans mesure. » (Charles Andler, ibid.) Le pangermanisme vise à la conquête de l’Europe en dominant les races jugées inférieures : slaves, juifs… C’est le Lebensraum de Ratzel.
La suprématie de la race et de la culture allemande : l’Allemagne est le pays de la Réforme, du romantisme… La race allemande est qualifiée de supérieure et doit être protégée et valorisée aux dépends des autres. On la retrouve dans Rembrandt als Erzieher (« Rembrandt éducateur ») de Langbehn ou Reines Deutschtum (« Le germanisme pur ») de Lange.
La guerre au service de la prédestination allemande : la supériorité de la race allemande ne pourra être affirmée que par la guerre, non défensive mais préventive.
Dans l’économie, Marx et List appellent également à une union allemande pour devenir plus puissant. Leur vision est concrétisée en 1834 avec la formation du Zollverein, l’union douanière qui rassemble à sa création plus des deux tiers du territoire allemand. Elle continue à s’agrandir jusqu’à ce que la totalité des principautés y appartiennent en 1867.

La quatrième catégorie de thèses du pangermanisme, concernant la guerre, sert de vecteur à la concrétisation de l’unité du peuple allemand. Ce sont bien par des moyens guerriers que l’Etat-nation d’Allemagne se forge en 1871. La couronne d’Allemagne avait bien été proposée en 1848 au roi de Prusse Friedrich-Wilhelm IV par les Landtage, mais il la refuse, ne voulant pas être un roi choisi par le peuple. Cette demande avait été faite suite aux répressions du printemps des peuples de 1848. L’Autriche-Hongrie ayant été particulièrement violente comparée à la Prusse, il apparaissait déjà que l’unité se construirait autour de cette dernière. Cette idée est renforcée par le prestige prussien après les victoires contre le Danemark en 1864 et l’Autriche-Hongrie en 1866, qui lui permettent de créer la Confédération de l’Allemagne du Nord en 1867. Seuls les principautés du Sud de l’Allemagne refusent d’entrer dans la confédération. Mais face à la menace française qui se profile, des traités secrets de défense sont signés entre ces Etats du Sud et la Prusse. La guerre est déclarée par la France à la Prusse le 19 juillet 1870. L’Allemagne soutient la Prusse qui semble agressée par la France : au début du conflit, les armées prussiennes comptent 500,000 prussiens et 300,000 allemands, puis un total de 1,200,000 soldats menés par le ministre-président de Prusse et chancelier fédéral de la Confédération d’Allemagne du Nord, Otto von Bismarck. Le 2 septembre 1870, Napoléon III capitule à Sedan. Les armées allemandes marchent sur Paris et le roi de Prusse Wilhelm Ier est couronné Empereur d’Allemagne par les princes à Versailles, dans la Galerie des glaces. C’est le début du IIème Reich et d’un Etat allemand qui rassemble l’intégralité de sa nation.



En 1871, l’Allemagne acquiert une véritable réalité politique, représentée par un empereur, Wilhelm Ier ; un chancelier qui, bien qu’il recherche lui aussi la grandeur allemande, met en œuvre une Realpolitik prudente, Otto von Bismarck ; enfin, un Etat unique qui rappelle le chant de Hoffmann von Fallersleben : de la Meuse au Niémen, de l’Adige au Grand Belt. Le pangermanisme a permis la formation d’une conscience et d’une union nationale, mais il n’en est pas satisfait pour autant. La supériorité allemande qu’il clame doit encore se formaliser.



L’Empire allemand, au début de son existence, entre dans une phase de bouleversements économiques remarquables. La deuxième révolution industrielle lui permet de moderniser son économie. En 1873, l’Allemagne produit 36,392,000 tonnes de charbon ; en 1913, avec 190,109,000 tonnes, elle représente 15,6% de la production mondiale. De même, son activité sidérurgique est de premier rang en Europe : en 1913, elle produit 34,630,000 tonnes de coke, nécessaire au fonctionnement des hauts-fourneaux. Les régions de la Saxe et de la Haute-Silésie sont d’importants centres industriels qui cumulent bassins de charbons (donc de matières premières), sidérurgie, industries textiles… Mais la plus importante est la Ruhr, avec la ville de Cologne notamment, d’où sont issus 60% de la production de charbon et 65% de la production de coke. Berlin et Munich deviennent de grandes places financières. Le Mark, monnaie unique dans tout l’empire, est créé en 1871 ainsi que la Reichsbank en 1875. Mais les débouchés sont difficiles à trouver : en 1849, seulement 421,000 tonnes de charbons sont exportés, contre 9,700,000 tonnes en 1894 et 43,000,000 tonnes en 1913. La révolution économique allemande est voulue par le gouvernement, qui prend des mesures protectionnistes vis-à-vis des capitaux, et facilitée par la dette française depuis la victoire de 1871. Elle est également soutenue par les grands Konzerne, des ensembles d’entreprises indépendantes rassemblées sous une seule entité économique comme Thyssen, Krupp ou Bayer. Ces Konzerne innovent : c’est l’invention en 1866 de la dynamo-électrique par Siemens, du moteur à explosion par Daimler-Benz en 1883, de la motocyclette par Daimler en 1886, du moteur diesel par Diesel en 1897... En 1913, l’Allemagne est parmi les toutes premières puissances économiques en Europe.

Toutefois le mouvement nationaliste pangermaniste ne se contente pas de la puissance économique. Dès 1888, le nouvel empereur Wilhelm II entre en conflit avec Bismarck au niveau politique, ce qui mène à la démission du chancelier en 1890 sur demande de l’empereur. Wilhelm II entend s’éloigner de la Realpolitik bismarckienne pour étendre la domination allemande non plus sur l’Europe seule mais le monde : c’est la Weltpolitik. L’empereur veut s’assurer une « place au soleil » par l’expansion coloniale. Pour Bismarck, celle-ci devait être le fait des marchands ; pour Wilhelm II, c’est un enjeu politique. La conférence de Berlin est organisée en 1884-1885 et en 1914, l’empire colonial allemand est à son apogée avec des territoires en Afrique (Namibie, 1883 ; Cameroun et Togo, 1884 ; Tanganyika et Rwanda-Urundi, 1885), en Chine (Tientsin, 1895 ; Jiaozhou, 1897), en Nouvelle-Guinée (Nord-Est, 1884) et dans le Pacifique (îles Samoa, Marshall, 1885 ; Nauru, 1888...). La politique coloniale est une source de conflits internationaux comme au Maroc avec la France en 1900 ou Zanzibar et l’Heligoland avec le Royaume-Uni en 1890. Wilhelm II, petit-fils de la reine Victoria du Royaume-Uni, veut également rivaliser avec la puissante flotte britannique : il porte une attention toute particulière à la Marine impériale. En 1891, cette dernière est composée de 76 bâtiments de guerre, 511 canons et d’un budget de 105 millions de francs-or ; seulement 10 ans plus tard, en 1901, elle est devenue la deuxième flotte du monde avec 107 bâtiments de guerre, 1,075 canons et un budget de 167 millions de francs-or. Enfin, le nouveau pangermanisme antibismarckien de Wilhelm II se caractérise également par un nouveau réseau d’alliance : la Triple Entente est signée en 1882, l’empereur affiche un soutien déterminé à l’Autriche-Hongrie au risque de s’aliéner la Russie - certes un peuple slave jugé « inférieur » par rapport aux germains d’Autriche, mais surtout une puissance qui, alliée avec la France, provoque un complexe d’encerclement en Allemagne.

Le pangermanisme sous Wilhelm II se fait de plus en plus agressif, en plus de ses caractéristiques racistes et antisémites. L’Allemagne imprégnée par ce mouvement devient impérialiste et menaçante. Des groupes de pression qui sont acquis à ces thèses influent le comportement du gouvernement : c’est le cas par exemple de la Ligue pangermaniste. Elle est fondée en 1891 à l’origine pour favoriser les intérêts économiques de l’Empire à l’étranger, en réaction notamment aux accords d’Héligoland-Zanzibar. Très vite, elle étend ses activités en assurant une propagande impériale et en idéalisant la grandeur du Reich. La Ligue devient de plus en plus radicale et extrémiste, favorise le Darwinisme social et la protection de la « race pure » allemande en se posant contre les mariages « interraciaux » avec des peuples « inférieurs » ou pour l’expulsion des travailleurs émigrés polonais en territoire prussien. Elle est favorable à des annexions en Europe et milite dans un traité de 1912, Si J’étais l’Empereur, pour la colonisation de territoires slaves. L’organisation politique reste largement minoritaire mais possède une influence certaine sur le gouvernement, et espère empêcher toute mesure qui compromettrait la grandeur du pays, car ses membres sont issus des classes sociales moyennes ou élevées, la « Bildung und Besitz » de l’époque : des allemands éduqués et avec de grandes positions sociales. Le sociologue Max Weber, par exemple, en a fait partie jusqu’en 1899. Ce sont les ligues de cette sorte qui contrôlent et dirigent indirectement le gouvernement vers une politique strictement impérialiste.



Le pangermanisme en Allemagne a été décisif dans la formation du pays au cours du XIXème siècle. Il a tout d’abord contribué à la création d’une conscience nationale qui faisait défaut, conscience nécessaire à la formation d’un Etat-nation unifié en 1871. Mais il a également guidé l’Allemagne vers un prestige sur la scène internationale, l’a aidée à devenir un empire fort dans les domaines économiques, militaires, diplomatiques… Ce nationalisme toutefois se transforme finalement en impérialisme conquérant, pour lequel l’Allemagne a porté le blâme de la Première Guerre mondiale bien qu’elle ne soit entrée dans la guerre que par le jeu des alliances. Le pangermanisme a définit la nouvelle tradition allemande : une tradition guerrière, expansionniste et complexée par les puissances environnantes. On retrouvera d’ailleurs ces caractéristiques pendant toute la première moitié du XXème siècle, qui mèneront à l’apparition de termes tels que « crime contre l’humanité. »


Bibliographie : Les origines du pangermanisme 1800-1888, Charles Andler, L. Conard, 1915, Paris
Le pangermanisme philosophique : 1800 à 1914, Charles Andler, L. Conard, 1917, Paris
Histoire de la Prusse, Michel Kerautret, Points, 2010, Lonrai
w ww.universalis.fr/encyclopedie/pangermanisme/
alliancegeostrategique.org/2010/09/10/lallemagne-vaterland-de-la-geopolitique/

CamilleS
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