« Napoléon, héritier de la révolution ? »
triplette 38 :: disciplines :: Histoire du XIXè siècle :: semaine 2: Les héritages de la révolution française et de l'Empire Napoléonien
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« Napoléon, héritier de la révolution ? »
« Napoléon, héritier de la révolution ? »Version rédigée :
Introduction : Le coup d’Etat de Napoléon Bonaparte du 18 Brumaire de l’an VIII met fin à la période d’expériences politiques et d’instabilité que l’on nomme la révolution française (1789-1799). Le Consul puis empereur promet alors que son nouveau régime, tout en mettant un terme à la révolution ; en fera perdurer les principes : « la révolution est fixée aux principes qui l’ont commencée, elle est finie ». Peut-on alors dire que Napoléon fut véritablement héritier de la révolution ? Autrement dit, sa politique, sa façon de gouverner et les valeurs qu’il a mis en avant sous le consulat (1799-1804) puis l’empire (1804-1814) sont-elles en accord avec ces « principes » au nom desquels Napoléon dit agir ? Nous allons constater que si Napoléon semble effectivement être l’héritier de la révolution par bien des aspects, il peut aussi en être considéré comme le fossoyeur.
I) Nous allons d’abords constater que par la source du pouvoir de Napoléon et par son organisation des institutions politiques, par un relatif respect des valeurs de la révolution et enfin par la soumission de l’église à l’Etat, Napoléon se montre comme un héritier de la révolution:
A) Si Napoléon arrive au pouvoir en 1799, ce n’est absolument pas contre l’avis du peuple qui voit en Bonaparte l’homme qui pourrait enfin redonner de la stabilité au pouvoir et aux institutions après une décennie entière de changements permanents principalement dus à la prédominance du législatif qui caractérisait la révolution. Le peuple est las du directoire et veut un homme d’autorité pour rétablir l’ordre et la justice. Si bien que le coup d’Etat du 18 Brumaire (bien qu’il en soit bien un) a été qualifié d’«élection un peu brusquée » (Patrice Gueniffey).
Le peuple au demeurant, accepte dans son ensemble le caractère autoritaire du régime (censure, interdiction de réunion, d’association…), considérant qu’il s’agit là d’une condition nécessaire au retour d’un Etat stable. La bourgeoisie, en particulier, s’en accommodera très bien au début.
Par le plébiscite, il accepte de laisser le pouvoir à un « despote éclairé » (Voltaire). Rejoignant les idées des lumières qui s’inspiraient eux-mêmes des thèses de Platon sur le « philosophe-roi ». Beaucoup semble alors penser qu’un régime autoritaire à la tête duquel se trouve un homme fort et brillant capable de diriger le pays de manière ferme et responsable serait préférable à une démocratie affaiblie par le manque d’autorité du gouvernement.
De même, Napoléon se réclame aussi de la Révolution : « La Révolution est fixée aux principes qui l’ont commencée, elle est finie », signifiant ainsi que même en mettant un terme à cette période, il en respectera les valeurs et s’en portera garant.
L’Etat dans sa forme, parait respecter les principes de séparation des pouvoirs (Thèse de Montesquieu) et de représentativité de la population : Sous le consulat trois consuls sont chargés de l’exécutif (Sieyès et Ducos d’abord puis Cambacérès et Lebrun) donnant ainsi une apparente pluralité au pouvoir.
L’empereur n’exclut pas la république, il est d’ailleurs précisé dans la constitution que « Le gouvernement de la république est confié à un empereur ». Le calendrier républicain est par exemple conservé jusqu’en 1806 et l’inscription « république » apparait sur les monnaies jusqu’en 1809.
Quatre assemblées sont chargées du législatif. Le Sénat est notamment gardien de la constitution. L’usage du plébiscite est de rigueur ce qui renforce en apparence la légitimité de l’empereur et la souveraineté du peuple.
B) Sous Napoléon, il n’y a pas de restauration des privilèges, ni de rétablissement des ordres de l’ancien régime (au moins jusqu’en 1808). Le mérite est mis au premier plan ce qui est notamment illustré par la mise en place de la légion d’honneur en 1802.
L’Etat est centralisé et la cohésion nationale s’en ressent de plus en plus. Les idéaux d’égalité des chances et des droits issus de la révolution sont en partie promus (la même éducation pour tous, même justice). Les départements, héritages hautement symboliques de la révolution, sont conservés et d’autres sont même créés sur des territoires annexés comme en Belgique ou en Italie (130 au total).
Napoléon va même jusqu’à exporter ces acquis sur les territoires nouvellement conquis. Partout où il passe, la justice féodale et les privilèges sont supprimés, le code civil est appliqué et le droit de divorce donné.
C) Par le Concordat, Napoléon semble vouloir aller à contre-sens de la révolution qui prônait la déchristianisation. Le clergé français reçoit effectivement des traitements spécifique de l’Etat et la Réconciliation avec l’Eglise est réelle, mais celle-ci reste soumise à l’Etat, elle est même instrumentalisée par Bonaparte en tant que « religion de la majorité des français ». Les membres du clergé doivent notamment prêter un serment civil de fidélité au gouvernement. Les biens de l’église confisqués en 1790 ne sont pas rendus.
De même, le couronnement de l’empereur en 1804 est à cet égard hautement significatif. Napoléon fait venir le pape pour se faire sacrer (normalement, le souverain va à Rome) et lui arrache la couronne des mains. L’église reste donc soumise à l’Etat et n’a plus la prépondérance qui la caractérisait sous l’ancien régime. La rupture du Concordat avec les valeurs de la révolution est donc à nuancer très largement.
II) Néanmoins, au fur et à mesure qu’il conforte son pouvoir et écarte ses opposants, Napoléon se détourne de plus en plus des valeurs de la révolution:
A) La souveraineté populaire ne s’exprime plus dans la suite du régime, les listes de notables proposées par les collectivités locales sont abandonnées dès 1801, laissant la nomination des membres du Tribunat et du Corps législatif aux mains du gouvernement seul (puisque le Sénat qui est censé les nommer est déjà sous son influence). Le plébiscite est largement manipulé et instrumentalisé, le vote n’est pas anonyme (même si la population continue en grande partie de soutenir Napoléon jusqu’à peu avant la fin du régime).
Le fonctionnement de l’Etat tourne en fait principalement autour de la seule personne de Napoléon. Durant le Consulat, seul le premier Consul détient véritablement le pouvoir. De plus, à partir de 1802, celui est nommé à vie et obtient un droit de regard sur les deux autres.
Sous l’empire, le pouvoir de délibération des assemblées est limité, (le tribunat discute notamment les lois sans les voter et inversement, le corps législatif, après avoir écouté les recommandations du Conseil d’Etat et du Tribunat, les vote sans les discuter) ; elles sont soumises à l’autorité du gouvernement (en particulier Sénat et Conseil d’Etat). Le pouvoir législatif s’affaiblit encore avec la suppression du Tribunat en 1807. C’est une grande rupture avec la prédominance du législatif qui caractérisait la révolution (il faut néanmoins préciser que le peuple français, dans sa grande majorité, était en accord avec cette rupture).
B) Le régime est tout aussi strict au niveau des libertés individuelles. La période correspondant au règne de Napoléon est caractérisée par une inexistence de la liberté d’expression, de réunion. La presse est sévèrement contrôlée. La censure est telle qu’il n’existe bientôt plus que quatre journaux à Paris. Comme l’indique René Remond, la période est l’une des plus pauvres de l’histoire du journalisme français. La vie politique du fait du musèlement de l’opposition, est quasi-inexistante elle aussi.
Si la Légion d’honneur met le mérite au premier plan, elle favorise aussi l’émergence d’une nouvelle noblesse d’épée qui est ensuite concrétisée par la création en 1808 d’une noblesse d’empire. Napoléon valorise une nation guerrière, au point que l’idée de la nation française soit sous l’empire, très liée à l’armée.
La France se conduit plus comme pays colonisateur en Europe que comme l’exportateur des acquis de la révolution. Elle impose sa politique par la force de façon autoritaire notamment contre les insurgés en Espagne (cette violence marquera les esprits en Espagne comme l’atteste le tableau Très de Mayo de Goya). Ainsi, ce ne sont pas les acquis de la révolution qui ont marqué les pays conquis dans leur mémoire de l’empire Français.
C) Enfin, concernant l’image de Napoléon, on peut constater que celle-ci s’éloigne de plus en plus des symboles de la révolution. Sur le portrait de Jean-Auguste-Dominique Ingres (1806), des symboles de l’ancien régime apparaissent : main de justice, sceptre, trône. Napoléon se réclamerait de plus en plus d’un pouvoir monarchique. De même, l’aigle symbole impériale, rappel l’emblème de Charlemagne, et la couronne de laurier, celui de César. Napoléon se verrait plus comme l’héritier de ces deux empereurs que celui de la révolution française. A travers le plébiscite, il pratique d’ailleurs le Césarisme.
Conclusion : s’il est incontestable que Napoléon a trahi à de nombreuses reprises l’esprit de la révolution, il n’en demeure pas moins que de nombreux aspects de sa politique en ont honoré les principes. Le débat « Napoléon, héritier ou fossoyeur de la révolution » est donc toujours d’actualité chez les historiens, car en réalité, il n’était pas totalement ni l’un ni l’autre.
Sources :
- La vie politique en France (1789-1848) : René Rémond.
- Histoire de la révolution et de l’empire : Patrice Gueniffey
- Napoléon : Jean Tulard
-Wikipédia.org
Introduction : Le coup d’Etat de Napoléon Bonaparte du 18 Brumaire de l’an VIII met fin à la période d’expériences politiques et d’instabilité que l’on nomme la révolution française (1789-1799). Le Consul puis empereur promet alors que son nouveau régime, tout en mettant un terme à la révolution ; en fera perdurer les principes : « la révolution est fixée aux principes qui l’ont commencée, elle est finie ». Peut-on alors dire que Napoléon fut véritablement héritier de la révolution ? Autrement dit, sa politique, sa façon de gouverner et les valeurs qu’il a mis en avant sous le consulat (1799-1804) puis l’empire (1804-1814) sont-elles en accord avec ces « principes » au nom desquels Napoléon dit agir ? Nous allons constater que si Napoléon semble effectivement être l’héritier de la révolution par bien des aspects, il peut aussi en être considéré comme le fossoyeur.
I) Nous allons d’abords constater que par la source du pouvoir de Napoléon et par son organisation des institutions politiques, par un relatif respect des valeurs de la révolution et enfin par la soumission de l’église à l’Etat, Napoléon se montre comme un héritier de la révolution:
A) Si Napoléon arrive au pouvoir en 1799, ce n’est absolument pas contre l’avis du peuple qui voit en Bonaparte l’homme qui pourrait enfin redonner de la stabilité au pouvoir et aux institutions après une décennie entière de changements permanents principalement dus à la prédominance du législatif qui caractérisait la révolution. Le peuple est las du directoire et veut un homme d’autorité pour rétablir l’ordre et la justice. Si bien que le coup d’Etat du 18 Brumaire (bien qu’il en soit bien un) a été qualifié d’«élection un peu brusquée » (Patrice Gueniffey).
Le peuple au demeurant, accepte dans son ensemble le caractère autoritaire du régime (censure, interdiction de réunion, d’association…), considérant qu’il s’agit là d’une condition nécessaire au retour d’un Etat stable. La bourgeoisie, en particulier, s’en accommodera très bien au début.
Par le plébiscite, il accepte de laisser le pouvoir à un « despote éclairé » (Voltaire). Rejoignant les idées des lumières qui s’inspiraient eux-mêmes des thèses de Platon sur le « philosophe-roi ». Beaucoup semble alors penser qu’un régime autoritaire à la tête duquel se trouve un homme fort et brillant capable de diriger le pays de manière ferme et responsable serait préférable à une démocratie affaiblie par le manque d’autorité du gouvernement.
De même, Napoléon se réclame aussi de la Révolution : « La Révolution est fixée aux principes qui l’ont commencée, elle est finie », signifiant ainsi que même en mettant un terme à cette période, il en respectera les valeurs et s’en portera garant.
L’Etat dans sa forme, parait respecter les principes de séparation des pouvoirs (Thèse de Montesquieu) et de représentativité de la population : Sous le consulat trois consuls sont chargés de l’exécutif (Sieyès et Ducos d’abord puis Cambacérès et Lebrun) donnant ainsi une apparente pluralité au pouvoir.
L’empereur n’exclut pas la république, il est d’ailleurs précisé dans la constitution que « Le gouvernement de la république est confié à un empereur ». Le calendrier républicain est par exemple conservé jusqu’en 1806 et l’inscription « république » apparait sur les monnaies jusqu’en 1809.
Quatre assemblées sont chargées du législatif. Le Sénat est notamment gardien de la constitution. L’usage du plébiscite est de rigueur ce qui renforce en apparence la légitimité de l’empereur et la souveraineté du peuple.
B) Sous Napoléon, il n’y a pas de restauration des privilèges, ni de rétablissement des ordres de l’ancien régime (au moins jusqu’en 1808). Le mérite est mis au premier plan ce qui est notamment illustré par la mise en place de la légion d’honneur en 1802.
L’Etat est centralisé et la cohésion nationale s’en ressent de plus en plus. Les idéaux d’égalité des chances et des droits issus de la révolution sont en partie promus (la même éducation pour tous, même justice). Les départements, héritages hautement symboliques de la révolution, sont conservés et d’autres sont même créés sur des territoires annexés comme en Belgique ou en Italie (130 au total).
Napoléon va même jusqu’à exporter ces acquis sur les territoires nouvellement conquis. Partout où il passe, la justice féodale et les privilèges sont supprimés, le code civil est appliqué et le droit de divorce donné.
C) Par le Concordat, Napoléon semble vouloir aller à contre-sens de la révolution qui prônait la déchristianisation. Le clergé français reçoit effectivement des traitements spécifique de l’Etat et la Réconciliation avec l’Eglise est réelle, mais celle-ci reste soumise à l’Etat, elle est même instrumentalisée par Bonaparte en tant que « religion de la majorité des français ». Les membres du clergé doivent notamment prêter un serment civil de fidélité au gouvernement. Les biens de l’église confisqués en 1790 ne sont pas rendus.
De même, le couronnement de l’empereur en 1804 est à cet égard hautement significatif. Napoléon fait venir le pape pour se faire sacrer (normalement, le souverain va à Rome) et lui arrache la couronne des mains. L’église reste donc soumise à l’Etat et n’a plus la prépondérance qui la caractérisait sous l’ancien régime. La rupture du Concordat avec les valeurs de la révolution est donc à nuancer très largement.
II) Néanmoins, au fur et à mesure qu’il conforte son pouvoir et écarte ses opposants, Napoléon se détourne de plus en plus des valeurs de la révolution:
A) La souveraineté populaire ne s’exprime plus dans la suite du régime, les listes de notables proposées par les collectivités locales sont abandonnées dès 1801, laissant la nomination des membres du Tribunat et du Corps législatif aux mains du gouvernement seul (puisque le Sénat qui est censé les nommer est déjà sous son influence). Le plébiscite est largement manipulé et instrumentalisé, le vote n’est pas anonyme (même si la population continue en grande partie de soutenir Napoléon jusqu’à peu avant la fin du régime).
Le fonctionnement de l’Etat tourne en fait principalement autour de la seule personne de Napoléon. Durant le Consulat, seul le premier Consul détient véritablement le pouvoir. De plus, à partir de 1802, celui est nommé à vie et obtient un droit de regard sur les deux autres.
Sous l’empire, le pouvoir de délibération des assemblées est limité, (le tribunat discute notamment les lois sans les voter et inversement, le corps législatif, après avoir écouté les recommandations du Conseil d’Etat et du Tribunat, les vote sans les discuter) ; elles sont soumises à l’autorité du gouvernement (en particulier Sénat et Conseil d’Etat). Le pouvoir législatif s’affaiblit encore avec la suppression du Tribunat en 1807. C’est une grande rupture avec la prédominance du législatif qui caractérisait la révolution (il faut néanmoins préciser que le peuple français, dans sa grande majorité, était en accord avec cette rupture).
B) Le régime est tout aussi strict au niveau des libertés individuelles. La période correspondant au règne de Napoléon est caractérisée par une inexistence de la liberté d’expression, de réunion. La presse est sévèrement contrôlée. La censure est telle qu’il n’existe bientôt plus que quatre journaux à Paris. Comme l’indique René Remond, la période est l’une des plus pauvres de l’histoire du journalisme français. La vie politique du fait du musèlement de l’opposition, est quasi-inexistante elle aussi.
Si la Légion d’honneur met le mérite au premier plan, elle favorise aussi l’émergence d’une nouvelle noblesse d’épée qui est ensuite concrétisée par la création en 1808 d’une noblesse d’empire. Napoléon valorise une nation guerrière, au point que l’idée de la nation française soit sous l’empire, très liée à l’armée.
La France se conduit plus comme pays colonisateur en Europe que comme l’exportateur des acquis de la révolution. Elle impose sa politique par la force de façon autoritaire notamment contre les insurgés en Espagne (cette violence marquera les esprits en Espagne comme l’atteste le tableau Très de Mayo de Goya). Ainsi, ce ne sont pas les acquis de la révolution qui ont marqué les pays conquis dans leur mémoire de l’empire Français.
C) Enfin, concernant l’image de Napoléon, on peut constater que celle-ci s’éloigne de plus en plus des symboles de la révolution. Sur le portrait de Jean-Auguste-Dominique Ingres (1806), des symboles de l’ancien régime apparaissent : main de justice, sceptre, trône. Napoléon se réclamerait de plus en plus d’un pouvoir monarchique. De même, l’aigle symbole impériale, rappel l’emblème de Charlemagne, et la couronne de laurier, celui de César. Napoléon se verrait plus comme l’héritier de ces deux empereurs que celui de la révolution française. A travers le plébiscite, il pratique d’ailleurs le Césarisme.
Conclusion : s’il est incontestable que Napoléon a trahi à de nombreuses reprises l’esprit de la révolution, il n’en demeure pas moins que de nombreux aspects de sa politique en ont honoré les principes. Le débat « Napoléon, héritier ou fossoyeur de la révolution » est donc toujours d’actualité chez les historiens, car en réalité, il n’était pas totalement ni l’un ni l’autre.
Sources :
- La vie politique en France (1789-1848) : René Rémond.
- Histoire de la révolution et de l’empire : Patrice Gueniffey
- Napoléon : Jean Tulard
-Wikipédia.org
HugoB- Messages : 5
Date d'inscription : 30/09/2011
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