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Message  Baptiste Mar 13 Déc - 21:38

Cours 11 : Les empires multinationaux : entre réforme et révolution

Introduction

Aborder l’étude des 3 empires qui se partageaient l’Europe Orientale demande de se défaire de préjugés tenaces. On a tendance à écrire l’histoire à la lumière de ce qui est arrivé ensuite (en 1918-1919). Du fait qu’ils n’avaient pas survécu au 1er conflit mondial, on déduisait qu’ils étaient voués à disparaitre et on présentait les décennies qui avaient précédé 1914 et même le siècle tout entier comme un temps de déclin irrémédiable avant la catastrophe finale. Cette tendance est d’autant plus marquée en France qu’ils apparaissaient tous les 3 comme des survivances de l’ancien régime et des « prisons des peuples » (Lénine en 1914 désigne ainsi l’empire russe).
L’Autriche avait été pour la monarchie française une rivale traditionnelle (c’est à elle que les révolutionnaires déclarent la guerre en 1792).
L’empire Ottoman avait été l’ennemi détestable par excellence dans la guerre d’indépendance de la Grèce, guerre triplement juste puisqu’elle était livrée au nom de la liberté, du christianisme et de la civilisation.
Quant à la Russie des Tsars, elle apparaissait comme la patrie du despotisme le plus rétrograde, la patrie de la Sainte Alliance (idée d’Alexandre 1er en 1815), un pays et un régime impitoyables aux polonais et prêts à aider l’Autriche à venir à bout des Hongrois en 1849.
Mais ces préjugés ne sont pas unanimement partagés. Parce qu’elles étaient des puissances contre-révolutionnaires, l’Autriche et la Russie avaient attiré des émigrés français. (Le duc de Richelieu, avant d’être le ministre de Louis XVIII, qui a négocié la réintégration de la France dans le concert européen en 1818, avait été de 1803 à 1814 le gouverneur d’Odessa et de la Nouvelle Russie, nommé par Alexandre 1er). A l’autre bout du siècle, l’alliance franco-russe, officielle en 1892, devait marquer la fin du système diplomatique bismarckien dont le but principal était de préserver la solidarité des 3 empereurs, allemand, autrichien (ou austro-hongrois), et russe pour maintenir la France dans l’isolement. Cette alliance franco-russe devait assurer à la Russie dans l’opinion française une popularité paradoxale, puisque se trouvaient ainsi alliés, non seulement les pays situés aux 2 extrémités de l’Europe, mais les régimes apparemment les plus opposés de l’Europe : l’autocratie russe et la démocratie française.
L’Autriche- Hongrie devait bénéficier d’un regain d’intérêt et même d’une sorte de nostalgie lorsqu’à la lumière de ce que sont devenues les minorités nationales qui s’y trouvaient enfermées (dans les états nationaux créés en 1919), on trouva quelques vertus au régime qui avait été imposé dans les dernières décennies de la double monarchie, époque qui apparaissait à distance comme particulièrement fascinante sur le plan artistique, époque de la Sécession, mouvement initié au début des années 1890 par un groupe de peintres, dont le plus célèbre est Gustav Klimt.

Il fonde la revue « Ver Sacrum » (Printemps sacré en latin) en janvier 1898.
Sur le plan musical, c’est la naissance de l’école de Vienne représentée par Arnold Schonberg.
Si l’effondrement du communisme en Europe centrale et orientale à la fin du 20ème siècle s’est accompagné, sinon d’une réhabilitation des empires du 19ème, au moins d’une réévaluation plus nuancée de leur bilan, une telle entreprise pour l’empire Ottoman est restée le seul fait des historiens spécialisés (quoiqu’il ait existé en France jusqu’à la guerre de 14, une sensibilité turcophile, dont l’un des meilleurs représentants est l’écrivain et marin Pierre Loti).
La publication de la biographie du sultan Abdülhamid II par François Georgeon en 2003 n’a pas suffi à faire reculer les préjugés sur l’empire Turc que le diplomate russe Gortchakov appelait en 1878 « l’homme malade de l’Europe ». (Il reste à comprendre pourquoi, quoique malade, il a survécu aussi longtemps que l’empire des Habsbourg ou celui des Romanov).
Les 2 premières réalités qu’il faut garder à l’esprit sont la continuité dynastique de ces monarchies et la persistance de leurs rivalités dans le même espace : le Sud-est européen.
Ces 3 empires apparaissent à la fin du siècle comme de grands et lourds vaisseaux trop lentement conduits entre les écueils également redoutés de la réforme et de la révolution. Dans chacun d’eux en effet le 19ème siècle n’aura pas été seulement caractérisé par ce que Mayer appelle « la persistance de l’ancien régime ». On doit aussi faire leur juste place aux projets de réforme, qui parfois tournèrent court ou furent bientôt remis en question mais qui n’en reflètent pas moins un effort général de modernisation.
Voir dans recueil le texte de Jean Béranger sur le compromis austro-hongrois de 1867, celui de François Xavier Coquin sur l’autocratie russe au 19ème siècle et celui de François Georgeon sur le sultan Abdülhamid II. INDISPENSABLE !!!

1) Un siècle après sa fondation, l’empire Ottoman s’étendait vers le Nord jusqu’au Danube, vers l’Ouest jusqu’à la Macédoine et sur toute l’étendue de l’Anatolie à l’exception d’une bande le long du littoral Sud-est. Son apogée se situe au 16ème siècle et particulièrement sous le règne de Soliman le magnifique entre 1520 et 1566. On parle de la « sublime porte » pour désigner le gouvernement du sultan : il s’agissait de la porte monumentale du grand vizirat de Constantinople qui était le siège du gouvernement.
2) L’empereur est à la fois sultan et calife. Lien entre le pouvoir politique et le sacré (qu’on retrouve chez les empereurs russes et autrichiens)
3) L’armée est bien entrainée et équipée. Les soldats de l’infanterie sont les janissaires. Les corps de cavalerie sont prestigieux et admirés en Occident.

4) Guerres avec l’Autriche
Avant les pertes territoriales qui commencent au 18ème siècle, les turcs avaient mis le siège à Vienne en 1683. Ils avaient dû abandonner à l’empire perse les territoires les plus orientaux (au temps de la dynastie des Safavides sur le territoire actuel de l’Iran) mais ils avaient tenté de progresser encore en Europe, jusqu’à Vienne. C’est le prince Eugène de Savoie Carignan (lointain parent de la dynastie de Piémont-Sardaigne puis d’Italie) qui les repousse en 1697 (il y gagne une fortune lui permettant de construire le palais du Belvédère à Vienne). En 1699 les Ottomans signent le traité de Karlowitz (ville où s’est tenue en 1848 l’assemblée des Serbes, voir cours sur le printemps des peuples). Au terme de ce traité, les Ottomans cèdent la plus grande partie de la Hongrie, la Transylvanie à l’Autriche et la Podolie à la Pologne. La partie occidentale de la Podolie est revenue à l’Autriche lors des partages de la Pologne au 18ème siècle. La partie orientale en 1793 est attribuée à la Russie. Certains considèrent ce traité comme celui qui marque le déclin de l’empire ottoman, vision surdimensionnée par la fin de l’histoire puisque ce déclin aurait duré plus de 2 siècles.
Si un déclin s’observe alors dans cette partie de l’Europe, c’est celui de la République de Venise. Et il stimule pour les 2 siècles à venir la rivalité entre les Ottomans et les Habsbourg.

5) Guerres avec la Russie

Il y a un autre rival qui monte en puissance au cours du 18ème siècle, l’empire russe des Romanov. 2 guerres ont lieu sous le règne de Catherine II, (perdues par les ottomans) : la 1ère aboutit au traité de Kutchuk-Kaïnardji par lequel la Russie est reconnue protectrice des chrétiens orthodoxes de l’empire ottoman. A la suite de ce traité la Russie met la main sur la Crimée et le Kouban (1783).


Au 19ème siècle, les pertes territoriales sont sensibles tant en Europe qu’en Afrique.
- Sur les rives Nord et Est de la Mer Noire, le traité d’Andrinople de 1829 consacre les nouveaux succès militaires des russes. Ils vont progressivement s’étendre des bouches du Danube (de la Bessarabie) jusqu’au Caucase.
L’accession de la Grèce à l’indépendance est officialisée par le traité de Constantinople en 1832.
3 autres états se forment en plusieurs étapes au cours du siècle dans les Balkans :
La Roumanie, selon un processus compliqué qui commence avec la guerre de Crimée dont le casus belli a été créé en 1853 par l’occupation russe. Les russes, déjà installés juste au Nord du Danube, entrent en Moldavie et en Valachie (pays de Dracula !). Ces 2 principautés se réuniront en 1866 en Roumanie. Il faudra attendre encore quelques années pour la reconnaissance de cette indépendance.
Même chose pour la Bulgarie. En 2 temps : après la guerre russo-turque de 1877, elle devient principauté autonome et en 1908, elle devient monarchie indépendante, le prince Ferdinand de Bulgarie ayant profité de la révolution turque à Constantinople pour se proclamer Tsar des Bulgares.
La Serbie obtient son indépendance au congrès de Berlin en 1878 qui met fin à la guerre russo-turque. En 1882, cette principauté deviendra royaume.
Donc en 1914, l’empire ottoman ne conserve en Europe qu’une petite partie de la Thrace et en Afrique, il a perdu l’Algérie en 1830, la Tunisie en 1881 (ces 2 pays au profit de la France), l’Egypte occupée par les anglais à partir de 1882 (qui avec les français avaient déjà percé le canal de Suez en 1869) et la Lybie au profit de l’Italie à la suite de la guerre de 1912 entre l’Italie et l’empire ottoman (L’Italie obtient aussi les îles du Dodécanèse).

4 sultans se succèdent au cours du siècle.
1) Premiers réformateurs
Mahmud II : c’est le premier véritable réformateur de l’empire ottoman.
Règne de 1808 (époque de l’empire napoléonien, occupation de l’Espagne) à 1839. Il s’efforce de rénover à la fois l’administration et l’armée, effort que complique l’autonomie grandissante de chefs locaux qu’appuient les grandes puissances de façon non désintéressée. Il prépare la Charte connue sous le nom de « rescrit impérial de Gulkhane » promulguée quelques mois après sa mort le 3 novembre 1839. C’est à son fils de 16 ans,
Abdulmedjid Ier : qu’il revient de la faire appliquer.
Ce texte marque un tournant majeur dans l’histoire de l’empire. Un temps de réformes connu sous le nom de « Tanzimat » = mises en ordre, réorganisations, de 1839 jusqu’à la constitution de 1876.
2) Poursuite accidentée des réformes
Le successeur d’Abdulmedjid est son frère
Abdulaziz : il lui succède en 1861 et poursuit sa politique réformatrice. Mais sous l’effet conjoint de révoltes paysannes en 1875 en Bosnie Herzégovine et d’une crise des finances de l’empire (car ces réformes coûtent), il est contraint d’abdiquer le 30 mai 1876 en faveur de son neveu Mourad, qui devient Mourad V.

Le règne de Mourad V est le plus court de l’histoire ottomane, il est jugé incapable de gouverner et déposé le 31 août.
Abdülhamid II : assure la promulgation de la constitution du 23 décembre 1876, point culminant de la période des Tanzimat. (voir texte dans recueil). Sa conception et sa pratique du pouvoir restent celles d’un autocrate qui navigue à vue entre les réformes et la réaction. Il finit par être déposé à la suite de la révolution de 1908 suscitée par le parti des jeunes patriotes turcs, conduite par des officiers de l’armée, ce qui la fait qualifier de « pronunciamiento ». Les jeunes turcs étaient à la fois libéraux et nationalistes et avaient fondé en 1889 le comité « Union et Progrès », véritable parti politique dont le 1er objectif était le retour à la constitution de 1876.
Le bilan d’Abdülhamid ne peut faire l’objet que d’une évaluation contrastée : à coté d’une certaine lucidité sur le besoin de réformes pour sauver l’empire, il reste un autocrate. Sous son règne, se produisent à la fois de nouvelles pertes territoriales et de nouveaux massacres, notamment, ceux d’arméniens, qui provoquent une grande émotion internationale, entre 1894 et 1896, ce sont les 1ers grands massacres d’arméniens qui précèdent le génocide arménien pendant la 1ère guerre mondiale.
3) Les 2 derniers sultans
Ne sont que des figurants sur un théâtre d’ombres.
Mehmed V : fils d’Abdulmejid, n’était pas destiné à régner. Il est appelé à 65 ans en pleine révolution et mourra le 3 juillet 1918, à la veille de la défaite de l’empire.
Mehmed VI : son frère. C’est lui qui en moins de 4 ans, subit le triple choc de la défaite, du démembrement de l’empire et de l’abolition de la monarchie par la grande assemblée nationale de Turquie le 1er novembre 1922. L’homme fort, c’est devenu Mustapha Kemal bientôt appelé Atatürk.

Ainsi s’achève en 1922 une histoire commencée au 13ème siècle.

II) L’Empire austro-hongrois


Faire la différence entre l’Empire d’Autriche et le Saint Empire Romain Germanique (officiellement aboli en 1806). Le dernier empereur du Saint Empire, François II, est aussi l’empereur d’Autriche qui a régné sous le nom de François 1er de 1804 (année du sacre de Napoléon 1er qu’il imite en prenant le titre d’empereur héréditaire d’Autriche. Il veut aussi être le chef de file de l’opposition européenne à Napoléon) jusqu’en 1835. Plusieurs fois battu par Napoléon, il a donné en mariage sa fille Marie-Louise. C’est lui qui a présidé la confédération germanique pendant ses 20 premières années d’existence (ligne rouge sur la carte).
Différence entre l’Empire d’Autriche et l’Empire d’Autriche-Hongrie : cette dernière désignation résulte de ce que l’on appelle le compromis de 1867 qui réintègre la Hongrie, royaume autonome, sur un pied d’égalité avec l’Autriche. François Joseph est à la fois empereur et roi de Hongrie. C’est seulement à partir de 1867 qu’on peut parler d’empire d’Autriche-Hongrie.
A) L’Empire d’Autriche
Du congrès de Vienne à 1867, l’empire a progressivement regroupé les 24 territoires numérotés sur la carte. (Les villes peuvent avoir plusieurs noms en fonction de la langue du pays auquel elles ont appartenu successivement .ex : Brünn en allemand, Brno en tchèque, aujourd’hui chef lieu de la Moravie dans la république tchèque).
1 : Royaume de Bohème, capitale Prague
2 : Margraviat de Moravie
3 : Une petite partie de la Silésie, chef-lieu Troppau (où s’était tenu en 1820 un de ces congrès internationaux qui faisait suite à la politique de la Sainte Alliance, pour mettre fin aux désordres révolutionnaires en Italie dans le royaume des Deux Siciles). La plus grande partie de la Silésie, polonaise par son peuplement majoritaire appartenait à la Prusse à la suite des partages.
4-5-6 : Quelques duchés polonais
7 : Grand Duché de Cracovie ne peut être appelé ainsi qu’à partir de 1846. Cracovie avait été préservée comme ville polonaise libre par le congrès de Vienne. En 1846, une révolte permet aux autrichiens de l’annexer sous le nom de Grand Duché de Cracovie.
Ces duchés se situent entre la Silésie et
8 : la Galicie, toute entière rattachée à l’empire avec l’appendice 17 du duché de Bucovine (à l’extrême ouest de l’Ukraine actuelle)
9-10-11-12-13 : on revient dans la confédération germanique. Populations allemandes.
14 : Archiduché d’Autriche, avec basse et haute Autriche de chaque coté de la vallée du Danube
15 : Royaume de Hongrie
Terres de confins militaires : de l’autre coté, il y a les turcs, c’est une zone de risque militaire persistant.
21 : Le Banat. Temesvar (Timisoara en roumain)
Se rappeler le « Ban » des croates de Jelatchitch en 1848 : c’est un mot qui signifie chef. Un titre de noblesse équivalent serait « duc ». Donc un banat est un duché, marche frontière gouvernée par un ban, peuplée de populations diverses.
Le Banat est aujourd’hui partagé entre 3 états : Roumanie, Serbie et Hongrie.
22 : La Voïvodine est une province serbe autonome. (Elle reste aujourd’hui la seule province autonome de Serbie, le Kosovo ayant déclaré son indépendance en 2008). Elle compte 25 groupes ethniques différents et 6 langues officielles. La militarisation de ces régions s’explique aussi par le caractère disputé de ces espaces à travers le temps.
19-20 : Croatie et Slavonie
18 : Pas de présence militaire particulière dans le royaume de Lombardie-Vénétie. Les grands duchés de Parme, Modène et Toscane sont sous contrôle de l’Autriche.
23 : Pas de présence militaire non plus sur le littoral dalmate. Spalato en italien, Split en croate. L’ancienne Raguse, Dubrovnik, république concurrente de Venise dont dépendait la ville de Kotor 24.
24 : Bouches de Cattaro, (c’est le nom italien) province la plus méridionale de l’empire. Cettigné est la capitale historique du Monténégro (Aujourd’hui, c’est Podgorica) et le siège (toujours aujourd’hui) de la présidence de la république, mais c’est hors de l’empire.



B) L’empire austro-hongrois

Peu de changements par rapport à la carte précédente :
A partir de 1867, on peut donc parler d’empire austro-hongrois, ce qui veut dire que sa durée d’existence jusqu’en 1918 est d’à peine ½ siècle (pas comparable à celle de l’empire ottoman). Cette terminologie (empire) ne reflète pas exactement la représentation qu’en avaient et qu’en ont gardée les autrichiens eux-mêmes. Comme le dit Jean Béranger (voir recueil, texte sur le compromis de 1867), l’empire comprenait alors le royaume de Hongrie et la Cisleithanie (officiellement les pays et royaumes représentés au conseil d’empire, qui n’avait même pas la dénomination d’empire d’Autriche). En fait, on parlait (et encore maintenant) de monarchie danubienne. L’état fondé en 1526 par la réunion des royaumes de Hongrie, de Bohème et du patrimoine allemand des Habsbourg était essentiellement une confédération où chaque pays conservait son originalité et son autonomie.
Commentaire de la carte : mettre en avant les éléments suivants :
La distinction entre les 2 parties de la double monarchie, la Cisleithanie et la Transleithanie (ces noms viennent de la rivière Leitha, affluent de rive droite du Danube, qui fait frontière)
L’exclusion de l’espace géopolitique germanique en construction, après la défaite de Sadowa en Bohème. On ne voit plus sur cette carte le tracé rouge de la frontière de la confédération germanique : à cette date, c’est la confédération d’Allemagne du Nord, dont l’Autriche ne fait pas partie, avant que, en 1870-71, soit créé l’empire, à Versailles.
Il faut ajouter à cette perte celles en Italie : batailles de Custoza gagnée par les autrichiens en 1866 et de Lissa, bataille navale gagnée par l’amiral Tegetthoff, mais qui n’ont pas empêché la perte de la Vénétie au profit du royaume d’Italie.
Le littoral dalmate, paradoxalement, fait partie de la Cisleithanie, à l’exception du royaume de Croatie (on a réuni la Croatie et la Slavonie et on les a associées au royaume de Hongrie)
L’archiduché d’Autriche est divisé en 2 (Haute Autriche avec Linz et Basse Autriche avec Vienne)
La perte de la Vénétie a entrainé le redécoupage du secteur du royaume d’Illyrie avec désormais 3 entités distinctes : le duché de Carinthie, 13 le duché de Carniole (Slovénie actuelle, capitale Ljubljana avec son nom allemand Laibach, c’est le congrès de 1821, qui a fait suite au congrès de Troppau de 1820 où les autrichiens ont obtenu de leurs alliés ( en particulier les russes) le droit d’ingérence internationale au nom de la Sainte Alliance et de la contre révolution, droit d’intervenir en Italie dans le royaume des Deux-Siciles contre les soulèvements libéraux) et 14, le Kustenland qui veut dire littoral….
C’est pendant ce congrès de Laibach en 1821 que le tsar Alexandre 1er a appris le soulèvement d’Ypsilantis (grec qui avait servi l’empire russe) dans les principautés danubiennes qui est le point de départ de la guerre d’indépendance des grecs.
Au Nord, peu de changements sinon l’absorption des petits duchés polonais dans la province de Galicie.
Les confins restent des confins militaires.
Le Royaume de Hongrie a pour capitale désormais Budapest

L’unification de la ville sous ce nom ne date que de 1873. Auparavant, il y avait Buda d’un coté et Pest de l’autre du Danube. Les ponts ont joué leur rôle dans l’unification de la ville. Celui-ci, le pont aux chaines est un symbole : il a été achevé en 1849 au moment de la reconquête de la ville, épisode répressif extrêmement brutal. En face, à Pest, le parlement dont l’architecture s’inspire du parlement britannique.
Malgré le passage du temps, les vieilles haines et la poursuite de la répression sont toujours là. Des agitations sporadiques continuent dans les campagnes : voir film de Jancso en 1966 « Les Sans-Espoir », ces vétérans de 1848 qui restaient indomptables malgré la répression. Ce film, réalisé au cœur de la période communiste, (20 ans après la 2nde guerre mondiale, 10 ans après le mouvement de contestation de 1956 et sa répression par les soviétiques), livre une méditation sur l’aliénation, la délation, la crédulité de ceux que le patriotisme suffit à enflammer.
Conséquences territoriales de la crise des Balkans de 1878:

3 territoires s’ajoutent au domaine impérial de 1867 : 16-17-18 (le mot sandjak vient d’un mot turc qui signifie drapeau, qui désignait une division administrative de l’empire). Ce territoire sera rendu à l’empire ottoman en 1908 alors que la Bosnie et l’Herzégovine sont en 1908 aussi, annexées par l’empire d’Autriche-Hongrie. Cet espace est disputé par le voisin serbe dont l’indépendance est reconnue également en 1878.

2 motifs de conflits bien distincts :
L’un, macro politique, c’est la rivalité macro-séculaire entre les empires (ottoman, austro-hongrois, russe) : territoires convoités
L’autre, micro politique, c’est la revendication nationale (ou nationalitaire)
Revendications nationales
Dans ces pays qui sont des mosaïques de peuples, existent des tensions, à la fois entre les prétendants à la formation d’un état national indépendant et leurs souverains (le sultan, l’empereur), mais aussi entre les peuples eux-mêmes. (Voir cours sur les croates et les hongrois, Jelatchitch ayant mené la lutte contre les hongrois en 1849, et cours 12, puisque c’est là qu’il faut chercher l’origine de la 1ère guerre mondiale et la 1ère source de violences auxquelles le 20ème siècle a donné lieu de Sarajevo à Sarajevo)
3 exemples :
Les minorités allemandes (en rose sur la carte)
Partout présentes, y compris dans la Transleithanie, mais particulièrement sur les confins septentrionaux entre la Bohème et la Saxe, et en Silésie. Crises à venir : Silésie en 1918-19, Sudètes en 1938 qui aboutit à l’annexion par Hitler de la Bohème et la Moravie, expropriation des allemands et des sudètes par les tchèques en 1945.
Les minorités italiennes (en orange sur la carte)
Moins nombreuses, plus concentrées, sur la région du Trentin, du Haut Adige et sur le littoral adriatique. Là encore, une longue suite, le changement d’alliance en Italie en 1915 : restée neutre en 1914, elle n’a pas honoré son engagement envers les empires allemand et austro-hongrois auxquels elle était liée depuis les années 1880, et en 1915, elle entre en guerre dans l’autre camp aux cotés de la France et l’Angleterre parce qu’elle attend d’elles de récupérer ces territoires. Elle va récupérer le Trentin et le Haut Adige, mais pas tout ce qu’elle voulait sur le littoral adriatique, voir cours 10. D’où le thème de la victoire mutilée si habilement exploité par Mussolini.
Les minorités hongroises (Magyars) (en vert sur la carte)
On a un double problème à venir : voir carte de droite ci-dessous :

La Hongrie joue de malchance avec l’histoire parce que du fait qu’elle était partie intégrante de la double monarchie, elle a été traitée comme l’Autriche en pays vaincu en 1919 et donc a été extraordinairement réduite par rapport à la population hongroise. Tandis que la Roumanie (qui se trouve du coté de la France et de l’Angleterre) étend ses frontières et conserve en Transylvanie d’importantes minorités hongroises.
Il faut savoir lire une carte comme un texte, avec l’esprit critique en éveil : on a l’impression d’un peuplement homogène, unitaire. On pourrait croire qu’elle présente les peuplements slaves de la Croatie, Slavonie, Dalmatie et Bosnie-Herzégovine. Ce pourrait être une carte justificative de la formation en 1919 du royaume des serbes, croates et slovènes, (rebaptisé Yougoslavie (c'est-à-dire pays des slaves du Sud) en 1929). Or, cette unité, objet de tensions permanentes entre ses populations et de violence extrême pendant la 2nde guerre mondiale, a fini par voler en éclats, ce que la carte de gauche permet de mieux comprendre. On y a distingué les serbes, les croates et les slovènes. (Auxquels on doit ajouter les macédoniens, les bulgares plus à l’Est, les albanais)
Bosniaques et albanais sont musulmans
Les Croates sont catholiques
Les Serbes sont orthodoxes
La plus ancienne frontière qui traverse cet espace n’est pas celle entre les empires, mais celle qui sépare les religions. Non seulement le christianisme de Rome et celui de Constantinople, mais le christianisme et l’islam.
Devant une telle diversité potentiellement conflictuelle, avant l’âge de la conscience d’appartenance nationale commune et de la revendication de souveraineté devant l’opinion publique, (conscience et opinion qui ne font que s’éveiller au 19ème siècle), l’homme qui incarnait la souveraineté et dont le pouvoir était revêtu d’un caractère sacré, était à la fois le gardien et le symbole de l’unité.

Ce que prétendent montrer les portraits officiels, c’est l’importance politique de la fonction de représentation de l’unité dans ces empires.
François 1er, fils de Léopold II, neveu de Joseph II :
Représenté à 64 ans, plié sous le poids d’un faste d’un autre âge, incarnation de l’ancien régime. Après avoir traversé les épreuves de la révolution et des guerres napoléoniennes, Vienne reste la capitale de l’Europe contre révolutionnaire depuis 1815. Et donc, la couronne impériale, le sceptre peuvent rappeler des portraits de souverains du 17ème ou 18ème siècle, mais ils manifestent un pouvoir encore très solide.
Ferdinand 1er, son fils :
Il est représenté debout, (tradition des portraits de monarques), la couronne est sur une console, et associée aux 2 autres couronnes de Bohème et de Hongrie dont l’empereur est aussi le souverain. Il est en costume de grand maître de l’ordre de la Toison d’or, l’un des plus prestigieux ordres de chevalerie d’Europe, (que détenaient les Habsbourg) et porte le collier qu’on retrouve aussi au cou de :

François Joseph 1er : le neveu de Ferdinand 1er qui abdique en sa faveur le 2 décembre 1848. Appelé à 18 ans pour sauver l’empire et qui devait mourir 2 ans avant la fin de la guerre qui allait le faire disparaitre (l’empire !)
Le plus long règne de l’histoire de l’empire : du 2 déc.1848 au 21 nov.1916 (68 ans). Il est représenté ici à 2 ans avec le bonnet, le fusil du soldat et le tambour, le drapeau et les petits soldats. Sur le portrait suivant (devant la ville de Ljubljana), il a le collier de la Toison d’or. En 1865, la tenue reste la même, celle, militaire, de feld-maréchal de l’empire. (La même aussi sur le portrait de Radetski, voir cours sur 1848).
Sa femme est Elisabeth de Wittelsbach : « Sissi ». Voir version avec Romy Schneider !
https://www.youtube.com/watch?v=vbfzcjuOqSU&feature=related
Femme exceptionnelle qui a pris fait et cause pour les hongrois. Le fait qu’elle soit couronnée reine de Hongrie aux cotés de François-Joseph le 8 juin 1867 dans le cadre du compromis austro-hongrois, n’était que la confirmation du rôle politique personnel qu’elle a joué dans l’élaboration de ce compromis. Elle sera assassinée le 10 sept.1898 à Genève par un anarchiste italien, Luigi Luccheni, parce qu’elle était un symbole. (Au même titre que les rois ou les présidents)
Le régicide était une habitude de l’action politique qui remonte loin (contre Napoléon en 1800, le Duc de Berry en 1820, contre Louis Philippe en 1835, Napoléon III en 1858,..). Les anarchistes n’innovaient que par le mode opératoire, mais leur mobilisation depuis les années 1890 marque un regain de la violence politique au tournant du siècle. C’est un facteur de durcissement conduit par les politiques des gouvernements impériaux, déjà peu enclins à avancer (à marche forcée) vers la libéralisation.
C’est particulièrement vrai dans la Russie où le tsar Alexandre II avait lui aussi été assassiné dés 1881.

III) L’Empire russe

A) En 1815
Une puissance en plein essor. Un pays dont les succès au Sud contre les ottomans et à l’Ouest contre Napoléon ont prouvé qu’il était devenu dés la fin du 18ème siècle une grande puissance. En 1809, il a obtenu la Finlande (la Suède en a été dédommagée par l’attribution de la Norvège au congrès de Vienne, laquelle appartenait au Danemark, un des alliés les plus fidèle de Napoléon et qui en a donc été puni) (Remarque : l’accession de la Norvège à l’indépendance en 1905 a été faite sans violence, par un référendum simplement)
Ce qui montre surtout combien la puissance russe s’est accrue depuis le 18ème siècle, c’est la part qu’elle reçoit de la Pologne qui est à nouveau partagée entre les mêmes voisins mais de façon plus avantageuse pour les russes cette fois-ci qu’au cours des partages du 18ème siècle.
La Russie apparait comme la puissance la plus éloignée de l’Occident non seulement par la géographie, mais par l’orientation politique à l’opposé de la révolution et même du libéralisme aristocratique pratiqué au Royaume Uni. L’empire russe aurait donc pu être le meilleur allié de l’Autriche, (comme il le sera en 1849 contre les hongrois) s’il n’avait été aussi un rival désireux de s’étendre lui aussi vers le Sud, vers les mers chaudes et la route de la soie, aux dépens d’un même ennemi, l’empire ottoman.
B) Les conquêtes du 19ème siècle
Entre 1816 et 1855, fin du règne du tsar Nicolas 1er, conquêtes dans le Caucase, en Asie centrale où l’empire russe a progressé aux dépens de l’empire de Chine. Ce territoire correspond à celui du Kazakhstan actuel. C’est alors que se produit un des rares conflits vraiment internationaux que l’Europe ait connu entre la fin des guerres napoléoniennes et la 1ère guerre mondiale : la guerre de Crimée. Derrière le prétexte de la protection des chrétiens d’Orient, se cache la volonté de contrôler les détroits pour accéder à la méditerranée. Les alliés des ottomans ne sont pas dupes. La France revendique elle aussi la protection des chrétiens d’Orient, ce qui justifie son intervention aux cotés de l’empire ottoman. Le RU qui s’inquiète de voir la montée en puissance russe menacer sa propre expansion aux Indes, s’associe à cette coalition. Quant aux Piémontais qui s’y associent aussi, c’est pour faire reconnaitre la légitimité de leur prétention à unifier l’Italie. Cavour, pour montrer qu’il en est capable militairement, envoie un corps expéditionnaire aux cotés des français et des anglais. La Russie se retrouve donc seule alors qu’elle espérait le soutien de l’Autriche après les services qu’elle lui avait rendus en Hongrie. Cette déception a eu des effets durables sur l’équilibre géopolitique en Europe centrale et orientale.
Dans un 1er temps, la victoire de la coalition contraint la Russie à orienter son expansionnisme vers l’Est. Mais elle reprend l’avantage plus tard dans les Balkans et dans les détroits. Le souci d’atteindre des mers non prises de glace une partie de l’année justifie la conquête et la colonisation de l’Extrême-Orient russe, (c'est-à-dire de la partie de la Mandchourie qui se trouve à l’Est du fleuve Amour et de son affluent l’Oussouri) pour aller créer le port de Vladivostok, simple poste naval établi en 1859 et aujourd’hui, principal port russe sur le Pacifique.

Si on compare avec l’autre rive du Pacifique à cette date, (repérer sur la carte l’Alaska vendu aux Etats-Unis par la Russie en 1867), San Francisco, un gros village de 1000 habitants en 1848, puis 25 000 résidents permanents en 1850 au moment de la ruée vers l’or. (La ville champignon). Vancouver, la ville portuaire la plus importante de l’Ouest canadien : en 1890, entre 14 et 15 000 habitants à Vladivostok (9000 russes, 4000 chinois), un peu moins de 14 000 habitants à Vancouver.
En 1875, les russes s’emparent des îles Kourile et achèvent d’occuper l’île de Sakhaline (aux dépens du Japon qui aura bientôt sa revanche)
.
Sur Sakhaline est installée une colonie pénitentiaire que l’écrivain Tchékhov (voir « La Cerisaie » et « Les 3 sœurs ») a étudiée comme médecin (voir recueil). Les détenus sont devenus des colons. Comparer avec ce qui a été dit de l’Australie pour les anglais, et de ce qu’ont été pour la France, la Guyane, avec le bagne de Cayenne, la Nouvelle Calédonie où ont été envoyés les communards et l’Algérie, dés le début de sa conquête.
Après la défaite en Crimée, la pénétration russe se poursuit dans « les steppes de l’Asie centrale ». (Écouter le poème symphonique de Borodine écrit en 1880 pour le 25ème anniversaire du règne du tsar Alexandre II et dédié à Franz Liszt dans lequel la mélodie d’un chant russe évoque les soldats qui œuvrent à l’extension de l’empire.)
Prises de Tachkent (1865), de Boukhara et Samarkand (1868) et de Kiva (1873).
L’empire s’étend à ce moment-là de façon décisive dans la région du Turkestan (aujourd’hui partagée entre divers états qui sont des créations russes, y compris sur le plan de leur identité : le Turkménistan, l’Ouzbékistan, le Tadjikistan). Il faut rappeler que ce sont les russes qui ont construit un port sur la Caspienne, Krasnovodsk, qu’ils ont relié à la capitale Achkhabad par une ligne ferroviaire qui est la première de l’Asie centrale.
Pendant tout ce temps, la pensée du gouvernement impérial ne s’éloigne pas de la Mer Noire.
La guerre de 1877-1878 est un véritable tournant dans cette partie de l’Europe.

En 1821, apprenant au congrès de Laibach qu’Ypsilantis déclenchait un soulèvement et envahissait les principautés danubiennes, le tsar Alexandre 1er le désavoue pour ne pas donner l’impression d’encourager une révolte si contraire aux principes de la Sainte Alliance.
Mais en 1877, c’est à la tête d’une coalition comprenant la Roumanie, la Serbie et le Monténégro (qui ne sont pas encore reconnus comme indépendants par l’empire ottoman), que la Russie renoue avec cette tradition déjà longue de ces guerres avec son grand voisin du Sud. (L’année suivante, le prince Gortchakov appelle l’empire ottoman  « l’homme malade de l’Europe »). C’est précisément ce qui subsiste du concert des nations de 1815-1820 qui va priver la Russie du bénéfice qu’elle pouvait espérer de sa victoire militaire. La crise, en effet, est internationalisée. L’Angleterre et l’Autriche s’inquiètent des concessions imposées au Sultan par le traité de San Stefano (prés de Constantinople). Traité qui a été signé par les seuls belligérants et qui provoque une crise dont l’arbitre est Bismarck qui s’inquiète de voir s’envenimer le contentieux entre l’Autriche et la Russie. Tout son système repose sur le maintien de l’alliance pour éviter que l’un des 2 (ce sera la Russie après son départ) passe alliance avec l’Ouest et avec la France. Tout le monde se réunit donc à Berlin et après d’âpres marchandages, on arrive à un résultat gros de conflits à venir.
- L’empire russe retrouve la partie de la Bessarabie qui lui permet d’atteindre les bouches du Danube et les derniers districts qui lui manquaient dans le Caucase (perdus après la guerre de Crimée par le traité de Paris en 1856). Ce territoire est pris à son allié roumain. Donc, en compensation, la Roumanie obtient la rive Sud (partie Nord de la Dobroudja dont la partie Sud se retrouve en Bulgarie).
- La Bulgarie est la grande perdante du congrès de Berlin : on lui retire la partie située au Sud du massif montagneux des Balkans.
- La Serbie, mécontente également, car même si elle obtient la reconnaissance de son indépendance et la province de Nicha à la frontière du Monténégro, elle voit l’Autriche (qui n’a rien obtenu après le traité de San Stefano puisqu’elle n’a pas participé à la guerre) récupérer la Bosnie-Herzégovine.
Il y a encore des motifs de mécontentement liés aux concessions territoriales et religieuses faites par l’empire ottoman aux puissances de l’Europe occidentale :
La Grande-Bretagne est officiellement reconnue protectrice des juifs de l’empire ottoman (considérer ce que signifie cette protection au-delà de la 1ère guerre mondiale) et obtient l’île de Chypre.
La France est reconnue protectrice des catholiques et des chrétiens maronites (là encore, considérer les suites dans l’entre-deux guerres) et elle obtient le droit de coloniser la Tunisie, ce qu’elle s’empresse de faire dés 1881.
Ce qui mécontente fortement l’Italie (car la Tunisie est en face de la Sicile) : elle sera dédommagée par la reconnaissance de la protection des chrétiens et des juifs de Tunisie et de Tripolitaine, ce qui lui permettra de se préparer à la guerre de 1912 pendant laquelle elle se créera un empire colonial à son tour avec la Lybie.
En somme, il y avait là de quoi mécontenter l’opinion russe nationaliste car cette guerre avait beaucoup coûté pour un résultat bien limité et partagé avec des pays qui n’avaient pas fait la guerre. Il y avait là de quoi alimenter aussi la contestation radicale du pouvoir impérial qui a fait du tsar Alexandre II la cible d’attentats. Il est remarquable qu’il ait échappé auparavant déjà à 5 attentats, dont le 1er en 1866, était aussi le 1er perpétré contre un tsar par un simple sujet (un étudiant révolutionnaire). Le 13 mars 1881, il est finalement victime d’un attentat suicide (puisque le porteur de la bombe a péri lui aussi).

Alexandre 1er : le grand adversaire victorieux de Napoléon.
Personnalité complexe et contradictoire. Mort sans enfants. Aura pour successeur en 1825 son frère cadet
Nicolas 1er :
Les circonstances dans lesquelles il est amené à régner montrent que la Russie n’était pas à l’écart de la grande lutte qui depuis 1820 opposait en Europe la contre révolution et le libéralisme. Dans l’incertitude sur la succession (puisqu’il n’avait pas encore accepté la couronne), le 14 décembre, à l’occasion de la prestation de serments du sénat et des régiments de la garde du nouveau tsar, un groupe d’officiers (« Les décembristes »), ont tenté un coup d’état militaire à St Petersbourg. Mais à la ressemblance du pronunciamiento du colonel Riego dans l’Espagne de 1820 (contre le roi Ferdinand VII), leur tentative visait à imposer avec l’abolition du servage, une constitution libérale, garantissant la liberté d’opinions. Ce tournant libéral, le nouveau tsar n’a pas voulu le prendre, ou alors à la seule manière permise aux régimes autocratiques, à petits pas. Conscient de la nécessité de réformer, il sera aussi amené à sévir contre les polonais en 1831, contre les hongrois en 1849, ce qui l’a fait présenter à tort dans l’historiographie comme un soldat dont les circonstances avaient presque malgré lui fait un empereur et qui sa vie durant, aurait voulu plier la vie publique à la discipline militaire. La problématique des velléités réformatrices ou des rythmes et moyens de la réforme (qui ne doit pas être confondue avec l’opposition à toute réforme, ni avec l’incapacité absolue de réformer) se poursuit sous les règnes suivants :

Alexandre II :
Son surnom de libérateur est dû aux réformes qu’il a engagées, la plus emblématique étant l’abolition du servage (qui peut paraitre bien tardive) en 1861, dans un train de réformes qui, chronologiquement succède à la guerre de Crimée parce que cette défaite a entrainé tout un débat et finalement un mouvement de réformes. Mais l’attentat manqué dés 1866 contre lui le conduit à penser qu’il ne faut pas aller trop vite ni trop loin et à revenir sur quelques unes des réformes qu’il venait de concéder.
Alexandre III : son 2nd fils (qui n’était pas destiné à régner mais l’aîné Nicolas est mort en 1865)
Il continue dans la même voie et son règne apparait comme l’ère des contre-réformes. Il reviendra à son fils
Nicolas II : de conduire à son tour à partir de 1894, une politique qui dans les 10 premières années de son règne (jusqu’à la guerre russo-japonaise) reste caractérisé par le conservatisme plutôt que par le libéralisme.



Ce qui aura frappé dans cette série de portraits, c’est le lien qu’exprime la symbolique officielle entre le pouvoir et la guerre. Dans les 3 empires, le souverain est de préférence représenté en uniforme militaire. Ce n’est pas le cas des présidents des Etats-Unis, même ceux qui furent des chefs de guerre (comme Abraham Lincoln et Jefferson Davis). Ce n’est pas le cas du président de la république française à partir de 1870 (à part le maréchal de Mac Mahon qui était un militaire).

Epilogue

1) Guerre et diplomatie
La guerre, la conquête, les armes, pour défendre le pouvoir et l’ordre, ont occupé une place centrale dans la vie des 3 empires.
Dans l’empire ottoman, où par tradition les janissaires tenaient lieu de représentation parlementaire, mais aussi (sous d’autres formes et selon d’autres modalités) dans les empires russe et autrichien, il n’y a pas, dans la 1ère moitié du siècle, de séparation entre la guerre et la diplomatie (donc la grande politique, celle des états) : les officiers peuvent devenir des diplomates et les souverains, dont le modèle est le tsar Alexandre 1er, doivent diriger l’une et l’autre avec la même compétence et la même autorité (C’est ce à quoi il excelle à partir de 1812 contre Napoléon). On pourrait dire qu’il en va de même de tous les états façonnés selon le modèle aristocratique (y compris la France où l’aristocratie, c’est la chevalerie, donc la guerre, dans l’imaginaire structurant de l’ordre social).
Mais au 19ème siècle, se produit dans les pays qui adoptent progressivement des institutions démocratiques, une division des tâches (séparation comparable à celle qui se produit entre le religieux et le profane, processus auquel on a donné le nom de « sécularisation »). Et l’organisation même de l’état enregistre cette évolution. Or, la fonction de la guerre, dans la légitimation politique, a un coût très élevé. Comme le dit la sagesse populaire, « le nerf de la guerre, c’est l’argent », donc le pouvoir régalien de l’Etat, qui apparait comme strictement complémentaire de celui de lever des troupes, est celui de lever des impôts. Les révolutions américaine et française nous ont permis de réfléchir sur le lien entre guerre, fiscalité et révolution. Dans cet espace, il existait une alternative au gouvernement parlementaire (qui comporte dans ses principes mêmes le consentement à l’impôt) dont les élites ne voulaient pas : c’est de faire porter pour l’essentiel le poids de la fiscalité sur la propriété de la terre. Cela se conçoit d’autant mieux dans des pays restés avant tout agricoles, où la propriété de la terre est concentrée dans les mains d’une aristocratie ainsi confirmée dans sa fonction de pilier de l’ordre politique et social.
2) Développement difficile de l’Etat moderne
De plus, il faut à cet Etat une administration efficace, c’est à dire à la fois éclairée, dévouée et suffisamment ramifiée, implantée dans l’espace immense pour assurer partout la présence de l’Etat. Cela ne va pas de soi dans ces pays immenses et peu préparés par la nature et la tradition à la mise en place d’états centralisés. De plus, au moment même où leurs élites dirigeantes voient la nécessité de cette évolution, elles sont confrontées à la naissance de nouvelles forces centrifuges, ( !) fruits de l’évolution générale sur le continent européen, c’est à dire d’un mélange complexe entre influences internes et externes, progrès de la conscience nationale et développement de la compétition impériale. Dans cette voie, la guerre de Crimée peut apparaitre comme un moment révélateur, une source parmi d’autres de ce qu’on pourrait appeler (pour reprendre un titre de Malraux à propos de l’Asie des 1ères décennies du 20ème siècle) « la tentation de l’occident ».
3) Réformes
Mais il ne faut cependant pas en surestimer l’influence (de la guerre de Crimée) car les réformes avaient commencé dés les années 1830, que ce soit dans la Russie de Nicolas 1er, ou dans l’empire ottoman des « Tanzimat ». Les 3 gouvernements impériaux engagent ou poursuivent un programme de réformes, chacun à son rythme, et chacun selon des modalités qui lui sont propres, mais tous dans la même direction, que ce soit en matière de justice, d’instruction ou de représentation. C’est ce processus qui conduit à ce que François-Xavier Coquin désigne comme les grandes réformes libérales des années 1860 en Russie, au compromis austro-hongrois de 1867 et à la constitution ottomane de 1876.
4) Raison du retour à l’absolutisme
Par la suite, il y a un retournement de cette orientation. A un moment où la recherche d’une base sociale élargie devient nécessaire, même pour les pouvoirs habitués à compter à la fois sur la loyauté des élites et sur la docilité des sujets, elle se révèle aussi plus difficile car les élites ne sont pas révolutionnaires et les sujets (auxquels on ne songe pas encore à attribuer la souveraineté) représentent une force potentiellement dissolvante pour les pouvoirs en place. Entre les 2, les classes moyennes peuvent sembler, ou insuffisamment développées, ou indignes d’être intégrées à la sphère de la décision politique parce que souvent étrangères, ou déjà trop politisées (l’un n’excluant pas l’autre). Du coup, la tentation de l’Occident est contrebattue par la tentation de la Réaction.
Cette tension est illustrée par les images suivantes :

Le lecteur a l’air convaincu et se sent investi d’une mission. Noter l’attention du public (et particulièrement des enfants qui ont le regard tendu vers lui), la constitution du public : des moujiks, les femmes debout et au fond, les hommes assis (saufs les jeunes derrière). Au mur, une carte de l’empire et un portrait du tsar.
On voit là à l’œuvre cette pensée populiste si importante dans la Russie de cette époque. Il faut aller au peuple, il faut instruire le peuple. Ce sera la source d’un progrès lent mais sûr.

Constantinople (on voit la corne d’or). Le sultan Abdülhamid, la Turquie (représentée par une allégorie féminine) délivrée de ses chaines. Toute la diversité de l’empire : les drapeaux (le rouge des turcs, le vert des arabes, le drapeau grec avec le costume grec, le drapeau arménien rouge bleu jaune), les costumes. Tout ce monde célèbre la constitution de 1876. Un ange symbolise l’émancipation et brandit une écharpe sur laquelle il est écrit « liberté-égalité-fraternité » en turc et en grec, et au-dessus, en français et en arabe.
Contraste saisissant avec l’image que donne du sultan (comme du tsar quelques années plus tard) la revue française libertaire « l’Assiette au Beurre » :

Langage iconographique très politique. La couleur du sang largement étalé montre que la violence est déjà partout présente, installée, menaçante. Pas besoin d’attendre la brutalisation causée par la 1ère guerre mondiale pour voir apparaitre l’image de l’homme au couteau entre les dents. Le grand saigneur (avec un « a » !) Abdülhamid entouré de cadavres et le couteau entre les dents peut faire penser à cette affiche électorale célèbre de 1919 (image du milieu) mais la différence est que celle de 1919 est d’inspiration conservatrice (comment voter contre le bolchevisme) tandis que celle-ci est de gauche, où la violence, c’ est celle du tyran. Mais ceux qui luttent contre l’usage qu’il en fait sont contraints d’y recourir eux aussi. C’est le sens des 2 images suivantes :

L’hommage aux révoltés de Russie, nos seuls frères russes (pour protester contre l’Alliance franco-russe).Image de révolution. Portrait de Maxime Gorki au 1er plan. Entre ce 1er plan et l’arrière-plan apocalyptique, (comme un écho visuel aux incendies de la commune) des armes brandies et une tête piquée à la pointe d’une croix.
Quant au portrait enténébré et ensanglanté de Nicolas II, il porte en incrustation l’extrait d’un poème de Victor Hugo : « peuple russe, tremblant et morne, tu chemines, serf à St Petersbourg ou forçat dans les mines, le pôle est pour ton maitre un cachot vaste et noir, Russie et Sibérie, ô tsar ! Tyran ! Vampire ! Ce sont les 2 moitiés de ton funèbre empire, l’une est l’oppression, l’autre est le désespoir » : Les châtiments. Nov.1852. 1ère œuvre sur l’exil et une arme contre Louis Napoléon Bonaparte. Le titre de ce poème qui pour « l’Assiette au Beurre » faisait le lien entre la répression des journées révolutionnaires que venait de connaitre la Russie et le milieu du siècle, c’est «Carte d’Europe ». Il boucle la boucle commencée en 1848 (et qui sera complétée au prochain cours).











Baptiste

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Date d'inscription : 08/10/2011

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